Exclusive interview with Gaza Biennale Artist: Hamada El-Kept

By Adeline Bailleux exclusively for THE GRAPA.

ENG/FR/ESP

"My art was born in Gaza, between blockade and war"

- Hamada Elkept

Your artistic journey is closely linked to your childhood and youth in Gaza. How did the war and the blockade influence your outlook on art and life?

My artistic journey took root in Gaza. That's when I understood that art could be much more than a personal practice: a way to address society, to provoke reflection and dialogue. As a child, I painted for pleasure, beauty, love and hope, with spontaneity and innocence. But little by little, I transformed this practice into a language to express what I was experiencing and what inhabited me.

The blockade and surveillance imposed by the occupation became central themes, as they affected both my community and myself. Before leaving Gaza for Belgium, I went through four wars. These were difficult years, marked by constant danger, restrictions and the impossibility of free movement. I left a few months before the start of the current war, which continues to this day. When it broke out, I was paralyzed, unable to create.

Then, over time, I understood that my way of helping my family and my people was to transform this pain into an artistic language, to open spaces of meaning and memory through accessible contemporary forms.

Since then, my outlook on life has changed: I place a new value on the simplest things, and I am more aware of the blessings we sometimes take for granted. The magnitude of the tragedy pushes me to translate some essential issues into images. I spoke about the "endless wall," "friends of war"—a metaphor for the relationship between humans and animals in Gaza—and Under Surveillance, a project that exposes the perverse use of technology to spy, control, and kill. I also depicted homeless doves, symbols of a dispersed and broken peace.

How did your family experience this violence, and how was it reflected in your art?

My family has experienced fear in all its forms. The shelling in Beit Lahia destroyed thousands of homes and killed thousands. They fled under the shrapnel and rubble, sometimes finding refuge at my sister's house, sometimes in tents, displaced from Rafah to Khan Younis. Every time they settled somewhere, the bombing resumed. These stories, their pain and exhaustion, have profoundly marked my work. During this period, my canvases were filled with earth, dust and ash colours: a way of making visible the heaviness and fatigue of these trials.

Your paintings often feature faces, animals, objects. What symbols or memories of Gaza are inscribed on it?

My brother described scenes where the crowds were so crowded together that there was no space or privacy. The tents next to each other, the narrow streets, the men, women and children living alongside their animals... I transposed this image into my paintings. The keffiyeh, a symbol of struggle, resistance and dignity, also comes up very often in my works.

You have carried out artistic projects with children who have lived through the war or who have disabilities. What did you learn from them?

After 2014, I was involved in the Safe Spaces project, which is aimed at children and families traumatized by war. We thought we could see the end of it, but each time a new offensive broke out, and the project finally lasted more than seven years. Their drawings, however, were full of love, hope and simple dreams. I have also worked with autistic and deaf children, whose creativity and sensitivity were overwhelming. Their spontaneity has taught me to be more indulgent, more flexible, more true, including in my artistic practice.

In your latest works, you deal with surveillance and control. Is this an extension of what you experienced in Gaza?

Yes, it is the direct extension of these years spent under the constant gaze of the occupation. But this phenomenon goes beyond Gaza: it affects other peoples, other territories in the world. This relationship of domination, in which the strong gradually empties the life of the weaker, is universal. My role is to show how technology can become a tool of oppression, and how these mechanisms shape our time.

If you had to sum up your artistic message in a single sentence, what would you want the audience to remember?

That an amputated child's hand is worth more than millions of lands, that the eyes of a lost child are more precious than a building, and that freedom will come, inevitably.

***

Artist Hamada El Kept´s installations Sleep and Under Surveillance will be on display at The GRAPA from 12- 30 September 2025 as part of the Gaza Biennale Valecia Pavilion. Since 2020, Adeline Bailleux has hosted the Instagram account art_et_lit_tes_ratures. A political science graduate with a passion for art, she shares works and artists there that convey a message of humanity and resistance. Her professional life is focused on a different field, but she finds in this project a space for engagement and sharing. She also coordinated a special issue of Argument magazine dedicated to Palestinian artists, thus continuing her interest in the links between art, memory, and contemporary struggles.

*****

Français

« Mon art est né à Gaza, entre blocus et guerre »

- Hamada Elkept

 

Interview réalisée par Adeline Bailleux pour la Galerie d’art THE GRAPA

Votre parcours artistique est intimement lié à votre enfance et à votre jeunesse à Gaza. Comment la guerre et le blocus ont-ils influencé votre regard sur l’art et sur la vie ?

Mon parcours artistique a pris racine à Gaza. C’est là que j’ai compris que l’art pouvait être bien plus qu’une pratique personnelle : un moyen de s’adresser à la société, de susciter réflexion et dialogue. Enfant, je peignais pour le plaisir, la beauté, l’amour et l’espoir, avec spontanéité et innocence. Mais peu à peu, j’ai transformé cette pratique en un langage pour exprimer ce que je vivais et ce qui m’habitait. Le blocus et la surveillance imposés par l’occupation sont devenus des thèmes centraux, car ils touchaient à la fois ma communauté et moi-même.

Avant de quitter Gaza pour la Belgique, j’ai traversé quatre guerres. Ce furent des années difficiles, marquées par le danger permanent, les restrictions et l’impossibilité de circuler librement.

Je suis parti quelques mois avant le début de la guerre actuelle, qui se poursuit encore aujourd’hui. Quand elle a éclaté, j’ai été tétanisé, incapable de créer. Puis, avec le temps, j’ai compris que ma manière d’aider ma famille et mon peuple, c’était de transformer cette douleur en langage artistique, d’ouvrir des espaces de sens et de mémoire à travers des formes contemporaines accessibles.

Depuis, ma perception de la vie a changé : j’accorde une valeur nouvelle aux choses les plus simples, et je mesure davantage les bénédictions que nous tenons parfois pour acquises. L’ampleur de la tragédie me pousse à traduire certains enjeux essentiels en images. J’ai parlé du « mur sans fin », des « amis de guerre » — une métaphore de la relation entre l’homme et l’animal à Gaza — et de Sous surveillance, un projet qui dénonce l’usage pervers de la technologie pour espionner, contrôler et tuer. J’ai aussi représenté des colombes sans abri, symboles d’une paix dispersée et brisée.

 

Comment votre famille a-t-elle vécu ces violences, et comment cela s’est-il reflété dans votre art ?

Ma famille a connu la peur sous toutes ses formes. Les bombardements à Beit Lahia ont détruit des milliers de maisons et tué des milliers de personnes. Ils ont fui sous les éclats et les décombres, trouvant refuge tantôt chez ma sœur, tantôt dans des tentes, déplacés de Rafah à Khan Younis. Chaque fois qu’ils s’installaient quelque part, les bombardements reprenaient.

Ces récits, leur douleur et leur épuisement, ont profondément marqué mon travail. Durant cette période, mes toiles se sont emplies de couleurs de terre, de poussière et de cendre : une manière de rendre visible la lourdeur et la fatigue de ces épreuves.

 

Vos peintures présentent souvent des visages, des animaux, des objets. Quels symboles ou souvenirs de Gaza y sont inscrits ?

Mon frère m’a décrit des scènes où les foules étaient si entassées qu’il n’existait plus ni espace ni intimité. Les tentes accolées, les ruelles étroites, les hommes, les femmes et les enfants vivant aux côtés de leurs animaux… J’ai transposé cette image dans mes toiles.

Le keffieh, symbole de lutte, de résistance et de dignité, revient aussi très souvent dans mes œuvres.

 

Vous avez mené des projets artistiques avec des enfants ayant vécu la guerre ou porteurs de handicap. Qu’avez-vous appris à leurs côtés ?

Après 2014, j’ai participé au projet Espaces sûrs, destiné aux enfants et aux familles traumatisés par la guerre. Nous pensions en voir la fin, mais chaque fois une nouvelle offensive éclatait, et le projet a finalement duré plus de sept ans. Leurs dessins, pourtant, étaient pleins d’amour, d’espérance et de rêves simples.

J’ai aussi travaillé avec des enfants autistes et sourds, dont la créativité et la sensibilité étaient bouleversantes. Leur spontanéité m’a appris à être plus indulgent, plus souple, plus vrai, y compris dans ma pratique artistique.

 

Dans vos dernières œuvres, vous abordez la surveillance et le contrôle. Est-ce une extension de ce que vous avez vécu à Gaza ?

Oui, c’est le prolongement direct de ces années passées sous le regard constant de l’occupation. Mais ce phénomène dépasse Gaza : il touche d’autres peuples, d’autres territoires dans le monde.

Ce rapport de domination, où le fort vide peu à peu la vie du plus faible, est universel. Mon rôle est de montrer comment la technologie peut devenir un outil d’oppression, et comment ces mécanismes façonnent notre époque.

 

Si vous deviez résumer votre message artistique en une seule phrase, que souhaiteriez-vous que le public retienne ?

Qu’une main d’enfant amputée vaut plus que des millions de terres, que les yeux d’un enfant perdu sont plus précieux qu’un bâtiment, et que la liberté viendra, inévitablement.

***

Les installations « Sommeil » et « Sous surveillance » de l'artiste Hamada El Kept seront exposées au GRAPA du 12 au 30 septembre 2025 dans le cadre du Pavillon Valecia de la Biennale de Gaza. Depuis 2020, Adeline Bailleux anime le compte Instagram art_et_lit_tes_ratures. Diplômée en sciences politiques et passionnée d'art, elle y partage des œuvres et des artistes porteurs d'un message d'humanité et de résistance. Si sa vie professionnelle est centrée sur un autre domaine, elle trouve dans ce projet un espace d'engagement et de partage. Elle a également coordonné un numéro spécial du magazine Argument consacré aux artistes palestiniens, poursuivant ainsi son intérêt pour les liens entre art, mémoire et luttes contemporaines.

****

 Espagnol

« Mi arte nació en Gaza, entre bloqueo y guerra »

— Hamada Elkept

Entrevista realizada por Adeline Bailleux para la Galería de Arte THE GRAPA

Su trayectoria artística está íntimamente ligada a su infancia y juventud en Gaza. ¿Cómo han influido la guerra y el bloqueo en su visión del arte y de la vida?

Mi trayectoria artística echó raíces en Gaza. Fue allí donde comprendí que el arte podía ser mucho más que una práctica personal: una manera de dirigirse a la sociedad, de suscitar reflexión y diálogo. De niño, pintaba por placer, por belleza, por amor y esperanza, con espontaneidad e inocencia. Pero poco a poco, fui transformando esa práctica en un lenguaje para expresar lo que vivía y lo que llevaba dentro. El bloqueo y la vigilancia impuesta por la ocupación se convirtieron en temas centrales, porque afectaban tanto a mi comunidad como a mí mismo.

Antes de salir de Gaza hacia Bélgica, atravesé cuatro guerras. Fueron años difíciles, marcados por el peligro constante, las restricciones y la imposibilidad de moverse libremente.

Me fui unos meses antes del inicio de la guerra actual, que todavía continúa. Cuando estalló, quedé paralizado, incapaz de crear. Con el tiempo, comprendí que mi manera de ayudar a mi familia y a mi pueblo era transformar ese dolor en lenguaje artístico, abrir espacios de sentido y de memoria a través de formas contemporáneas accesibles.

Desde entonces, mi percepción de la vida ha cambiado: valoro de otro modo las cosas más sencillas y aprecio mucho más las bendiciones que a veces damos por sentadas. La magnitud de la tragedia me impulsa a traducir ciertas cuestiones esenciales en imágenes. Hablé del « muro sin fin », de los « amigos de guerra » — una metáfora de la relación entre el ser humano y el animal en Gaza — y de Bajo vigilancia, un proyecto que denuncia el uso perverso de la tecnología para espiar, controlar e incluso matar. También representé palomas sin hogar, símbolos de una paz dispersa y rota.

 

¿Cómo vivió su familia estas violencias y cómo se reflejó en su arte?

Mi familia conoció el miedo en todas sus formas. Los bombardeos en Beit Lahia destruyeron miles de casas y mataron a miles de personas. Huyeron bajo los escombros, refugiándose a veces en casa de mi hermana, a veces en tiendas de campaña, desplazándose de Rafah a Jan Yunis. Cada vez que se instalaban en un lugar, los bombardeos volvían a empezar.

Esos relatos, su dolor y su agotamiento, marcaron profundamente mi obra. Durante ese tiempo, mis lienzos se llenaron de colores de tierra, de polvo y de ceniza: una manera de hacer visible el peso y la fatiga de esas pruebas.

 

En sus pinturas aparecen a menudo rostros, animales, objetos. ¿Qué símbolos o recuerdos de Gaza están inscritos en ellos?

Mi hermano me describió escenas donde las multitudes estaban tan hacinadas que ya no existía ni espacio ni intimidad. Tiendas de campaña pegadas unas a otras, calles estrechas, hombres, mujeres y niños viviendo junto a sus animales… Esa imagen la trasladé a mis cuadros.

El kefiah, símbolo de lucha, resistencia y dignidad, también aparece muy a menudo en mis obras.

 

Ha llevado a cabo proyectos artísticos con niños que vivieron la guerra o con discapacidad. ¿Qué ha aprendido junto a ellos?

Después de 2014 participé en el proyecto Espacios Seguros, destinado a los niños y familias traumatizados por la guerra. Creíamos que tendría un final, pero cada vez estallaba una nueva ofensiva, y al final el proyecto duró más de siete años. Sus dibujos, sin embargo, estaban llenos de amor, esperanza y sueños sencillos.

También trabajé con niños autistas y sordos, cuya creatividad y sensibilidad eran conmovedoras. Su espontaneidad me enseñó a ser más indulgente, más flexible, más auténtico, incluso en mi práctica artística.

 

En sus últimas obras aborda la vigilancia y el control. ¿Es una extensión de lo que vivió en Gaza?

Sí, es la prolongación directa de esos años pasados bajo la mirada constante de la ocupación. Pero este fenómeno va más allá de Gaza: afecta a otros pueblos, a otros territorios en el mundo.

Esa relación de dominación, en la que el fuerte va vaciando poco a poco la vida del débil, es universal. Mi papel es mostrar cómo la tecnología puede convertirse en herramienta de opresión, y cómo estos mecanismos moldean nuestra época.

 

Si tuviera que resumir su mensaje artístico en una sola frase, ¿qué le gustaría que el público retuviera?

Que la mano amputada de un niño vale más que millones de tierras,
que los ojos de un niño perdido son más preciosos que un edificio, y que la libertad llegará, inevitablemente.

***

Las instalaciones Sleep y Under Surveillance del artista Hamada El Kept estarán en exhibición en GRAPA del 12 al 30 de septiembre de 2025 como parte del Pabellón Valecia de la Bienal de Gaza. Adeline Bailleux anima desde 2020 la cuenta de Instagram art_et_lit_tes_ratures.

Licenciada en ciencias políticas y apasionada por el arte, comparte allí obras y artistas que transmiten un mensaje de humanidad y resistencia. En su vida profesional se dedica a otro ámbito, pero encuentra en este proyecto un espacio de compromiso y de transmisión.

También coordinó un número especial de la revista Argument dedicado a los artistas palestinos, prolongando así su interés por los vínculos entre arte, memoria y luchas contemporáneas.

***

Next
Next

Why We Opened a Political Art Gallery in Valencia